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À la découverte d’André Weckmann

Il y a 100 ans naissait André Weckmann.

Sa biographie traverse une partie des plus sombres de l’histoire de l’Alsace : incorporation de force, front russe, blessures qui le laissent entre la vie et la mort, désertion. Mais André Weckmann est homme de lumière. Profondément humaniste et croyant, il choisit la vie et devient un des plus grands militants de la réconciliation franco-allemande.

Engagé, il l’est aussi et surtout en tant qu’écrivain, poète, romancier, tant en français, qu’en Hochdeutsch et Elsässerditsch – cette triphonie alsacienne qu’il manie mieux que tout autre. Les trois soirées que lui consacrent Culture et bilinguisme – René Schickele Gesellschaft et la BNUS ont pour ambition de donner à entendre la
qualité de son écriture, de faire résonner la profondeur de sa réflexion et de son amour pour l’Alsace et le monde.


Cette année, en 2024, différents évènements seront programmés autour d’André Weckmann (informations pratiques définitives à venir) :

  • « Die Fahrt nach Wyhl » sous la direction de Pierre Zeidler, 4 comédiens et 2 musiciens professionnels
    Freijohr (date et lieu à déterminer)
  • « Don quichotte Elsässisch : la quête » sous la direction d’Aline Martin et Alexandre Sigrist, avec Damien Gastl (baryton) et Hélène Herzberger (piano)
    Auditurium du Musée d’Arts modernes et contemporains de Strasbourg (MAMCS), 9 novembre 2024
  • Le poète contemporain (en alsacien) : présentation-lecture en musique avec Dominique Huck, professeur des universités émérite de l’Université de Strasbourg et auteur, entre autres de André Weckmann, écrivain de son temps, Strasbourg 1989, C.R.D.P. Strasbourg (cahier « Langue et culture régionales » n°13)
    BNU, 29 novembre 2024
  • Une présentation en Allemagne à Niederrothweil le 29 octobre 2024
  • « Weckmann en poèmes et en musiques » avec Matskat
    Bibliothèques idéales (4 musiciens ; 3 comédiens)
  • « Banasplit » Collège de Hoerdt, atelier sous la direction de Pascale Jaeggy
  • Évènements du Centre culturel Alsacien

Devinette : quel rapport entre Schang, le légendaire anti-héros alsacien, une centrale nucléaire, la guerre en Ukraine, Don quichotte et un Bananasplit ?

Réponse : y’en a pas…sauf à rencontrer André Weckmann.

André Weckmann est et restera l’homme de la rencontre. Rencontre, autour et au cœur de ses textes, avec l’auteur drôle, bon, généreux jusque dans son exigence, envers lui-même, envers les autres. Rencontre avec le Mensch engagé et témoin jusqu’au bout, car il n’est pas de ceux qui dissocient la vie et l’œuvre.

Schang, ce fut la première rencontre, sous la direction de Joseph Schmittbiel, rencontre avec l’humour, l’intransigeance, la sensibilité, la précision d’une poésie qui fait mouche, quand elle pointe les incohérences des humains, ja d’normàl Heimet vum Mensch isch de Goulag… Poésie qui devient « heure d’alsacien » quand la grammaire « triphonique » se fait tendre en ses pour-parlers d’amour entre les langues, où la Muedersproch a la place « de choix »

unsereiner het drej sproche
eini fer des
eini fer zall
un eini fer nix
welli isch welli un welli ischs nit
war nix nit besser àls des un zall ?

Nos trois langues. Deux se disent utiles. La troisième ne sert à rien. Mais l’utile l’est-il vraiment ? Et ce rien, ne renferme-t-il pas le tout ? Nos trois langues et le choix ?

Zwei Sprachen wie zwei gereichte Hände. Wer sie beide ergreift, reisst alte Zäune nieder, erfasst die Zukunft. Dies sagt euch die dritte Strache, die Sproch fer nix. Sie weiss es denn in ihr klopft das Herz.

Comment mieux dire, qu’en ces passages, qu’elles ne sauraient se passer les unes des autres ?

Don quichotte, elsässisch bien sûr, dem die Sonne, zum Schild würde und das Münster zur Lanze. Avec le soleil comme bouclier et la Cathédrale comme lance. Ce fut la deuxième rencontre en compagnonnage, entre six comédiens amateurs et un musicien, Jean-Pierre Albrecht. Bonheur de se laisser porter par les envols lyriques, d’une langue à l’autre sans avoir à faire de « choix » ! avec comme récompense parmi le public d’un soir, les sourires radieux d’André et d’Andrée son épouse, Lonis draeme…

Die Fahrt nach Wyhl

Me voilà en route pour Wyhl – sur mon vieux vélo – heureusement, un modèle à trois vitesses – et le garde-boue qui claque lamentablement – j’ai laissé la pompe et le kit de réparation à la maison – pourvu qu’ils n’aient pas semé de clous …

Marckolsheim en Alsace, rive française du Rhin : c’est là que des mouvements citoyens alsaco-badois ont empêché la construction d’une usine de plomb allemande – autorisée par le pouvoir politique français. Wyhl, Kaiserstuhl, rive allemande de l’ouest … dès 1973 des initiatives alsaco-badoises luttent contre la construction d’une centrale nucléaire … la route pour Wyhl est longue, à vélo, tout le temps pour notre « héros » de se débattre avec les questions constructives…

Outre son engagement pour notre Umwelt, dans la rencontre avec Roger Aufschlager, personnage central Weckmann révèle, à sa façon poétique très personnelle, comment politique, culture et langue – intimement liées – conditionnent notre environnement.

Les nuits de Fastov, ce fut la rencontre qu’on aurait préféré éviter, avec le totalitarisme et la guerre. Pourtant, dans ce Erleben, ce vécu avec la menace permanente de la désintégration, face à face avec la mort, André Weckmann répond présent, sans hésiter, empruntant au français une langue au fil du rasoir. Que dirait Weckmann aujourd’hui en ces moments où l’ombre de l’Untier, la bête immonde, plane à l’est comme à l’ouest ?

Sans doute qu’il faut continuer, « ne rien lâcher » comme disent les jeunes, ùn sej’s fir d’Kàtz.

Banasplit, c’est la rencontre avec les jeunes, en compagnie de avec Stupsi, son Alsacienne à dreadlocks qui fait tomber les murs, et même « Le Mur ». Nous avions monté le spectacle dans le cadre d’un projet scolaire avec les élèves des collèges Fustel de Coulanges et Saint-Etienne à Strasbourg. André fut présent dès le début. Rencontre personnelle, à l’écoute lors des échanges avec les jeunes, sur l’écriture, l’histoire, la guerre, la langue, et présence textuelle, avec sa pièce, que les élèves ont jouée devant lui en mai et juin 2012. Les collégiens, le seul public pour lequel il se déplaçait encore. Lors de la dernière le 16 juin, quelques jours à peine avant son départ pour le grand voyage, il était là, le visage rayonnant, face à aux quatres interprètes du rôle de Stupsi, sa fantasque héroïne.

Il nous laisse un sacré défi à relever « à mains nues ».

bluddi hand
wàs kànni demet
ânfànge
ech kànn e strüss
bende
ech kànn en àpfel
brache

bluddi hand
wàs kànni demet
ânfànge
ech kànn e gsecht
datschle

ech kànn e bruscht
sträichle

bluddi hand
wàs kanni demet
ânfànge
ech kànn se uf d füscht
läije
ferdàss se wàrm wurd
un s masser keje lost

bluddi hand
wàs kànni demet
ânfànge

àlles

Des mains nues : à quoi peuvent elles me servir ? À nouer un bouquet, à cueillir une pomme, à tapoter une joue, à caresser un sein, à les poser sur un poing fermé pour que leur chaleur le desserre et qu’il laisse tomber le coutelas. Des mains nues : à quoi peuvent elles me servir ? À tout.