Entre l’exil en Suisse de la Première Guerre et l’exil en Provence après 1933, René Schickele, citoyen français und deutscher Dichter, « choisit » de construire à Badenweiler, en Pays de Bade, l’arche de l’héritage rhénan. Lettres et journaux, mais aussi témoignages contemporains permettent de faire la part entre légende et réalité.
lecture-conférence avec Charles Fichter, Jean Lorrain et Aline Martin.
Première rencontre dans la série : « Les métamorphoses de l’exil. »
Il y a quatre-vingt ans mourait René Schickele. Sa vie fut marquée par l’exil.
« Je vis en exil de plus d’une manière », écrit-il en 1936.En effet :
Exil en Suisse. Gloire et misère. Pendant la première guerre mondiale, l’Alsacien, déchiré entre ses deux patries, se retrouve à la tête de la revue pacifiste des Weissen Blätter, « général des expressionnistes ».
Exil à Badenweiler au Pays de Bade. Nostalgie bienheureuse. Le poète, membre de l’académie allemande, rêve, le regard rivé sur les Vosges, d’un nouvel et spirituel empire romain germanique. La forme claire et transparente de son écriture cherchant à tromper le danger qui mine l’héritage rhénan.
Exil à Sanary en Provence, en 1933. Exil dans l’exil. Citoyen français, il est pourtant un des premiers à s’exiler lorsqu’il décide de ne pas « rentrer » au Pays de Bade après la prise de pouvoir par les nazis. Allergique à l’esprit du national-socialisme, cette tête politique se retrouve à l’écart de l’exil politique. La veuve Bosca, son roman, cherche tout de même à comprendre cette Europe empêtrée dans le meurtre et la mort. Ses Cahiers bleus témoignent de sa lucidité.
Exil à Nice. Amer azur. Au seuil de la nouvelle guerre, le pacifisme même devenant impossible, il lance sa « bouteille à la mer ». Dans son essai Nous ne voulons pas mourir paru après la fin de la Première Guerre Mondiale, Schickele écrivait : « Ah mes amis, quelle époque misérable. Je n’y survivrais pas une deuxième fois. » Sa prophétie se réalisa. Il mourut le 31 janvier 1940.