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Il y a 100 ans naissait André Weckmann

Sa biographie traverse une partie des plus sombres de l’histoire de l’Alsace : incorporation de force, front russe, blessures qui le laissent entre la vie et la mort, désertion. Mais André Weckmann est homme de lumière. Profondément humaniste et croyant, il choisit la vie et devient un des plus grands militants de la réconciliation franco-allemande. Réconciliation mise en acte et en oeuvre, lors des manifestations contre la construction d’une usine de plomb à Marckolsheim en 1974 et d’une centrale nucléaire à Wyhl (Allemagne) en 1975, auxquels André Weckmann participe activement sur le terrain et poétiquement dans ses écrits.

Seine Biografie durchzieht einen der dunkelsten Teile der elsässischen Geschichte: Zwangsrekrutierung, russische Front, Verletzungen, die ihn zwischen Leben und Tod schweben lassen, Desertion. Doch André Weckmann ist ein Mann des Lichts. Als zutiefst humanistischer und gläubiger Mensch entscheidet er sich für das Leben und wird zu einem der größten Kämpfer für die deutsch-französische Versöhnung. Diese Versöhnung wurde in seinem Werk und die Tat umgesetzt bei den Demonstrationen gegen den Bau einer Bleifabrik in Marckolsheim 1974 und eines Atomkraftwerks in Wyhl (Deutschland) 1975, an denen André Weckmann aktiv vor Ort und poetisch in seinen Schriften teilnahm.

Engagé, il l’est ainsi surtout en tant qu’écrivain, poète, romancier, tant en français, qu’en Hochdeutsch et Elsässerditsch – cette triphonie alsacienne qu’il manie mieux que tout autre. Les manifestations que nous lui consacrons ont pour ambition de donner à entendre la qualité de son écriture, de faire résonner la profondeur de sa réflexion et de son amour pour l’Alsace et le monde et ainsi de participer à la reconnaissance de l’Alsace comme terre de culture dans toutes ses expressions linguistiques.

 » De tous les écrivains qu’a connus l’Alsace durant la seconde moitié du XXe siècle, André Weckmann est probablement à la fois le plus singulier et l’un des plus prolixes, du moins quant au nombre de textes publiés. Et, ironie de l’histoire, très moyennement connue en Alsace, son œuvre a été récompensée de très nombreuses fois à l’étranger. Ecrivain singulier, parce que son œuvre a été écrite en alsacien, en allemand et en français, singulier parce qu’il ne s’est pas limité à un genre littéraire mais a expérimenté la poésie, le récit, le roman, les formes dramaturgiques et le Hörspiel (pièce radiophonique), l’essai, les articles dans la presse, … et si l’Alsace (l’alsacien et les Alsaciens) sont souvent au centre de ses écrits, ils n’en absolument pas les limites. C’est son frère humain, dans toute sa diversité qui est au cœur de ses écrits. Weckmann écrit sa vie d’homme et d’homme engagé : l’amour, les révoltes, le refus de toutes les dominations illégitimes, de toutes les humiliations et vexations, … . Il dénonce la modernité qui écrase les humains, qui ne se préoccupe pas de la qualité de leur vie et s’agace de ce que les Alsaciens se laissent faire, modernité qui les poussent aussi à croire les couches sociales qui expliquent que l’alsacien devrait être abandonné. Il s’élève contre le fait qu’ils se fassent ou se laissent déposséder de leur langue, de leurs particularités. Il reste aussi un homme de foi, d’une foi à la portée de l’humain, avec un Dieu de proximité. Et l’énumération de ses singularités pourrait être poursuivie… Si la nature, en particulier la végétation est souvent évoquée, elle n’a pas la place ou la forme de la poésie des générations qui l’ont précédé : c’est le regard de l’homme qui la rend nécessaire et belle. Autre singularité : Weckmann choisit des formes littéraires puisées dans la modernité des écrivains de son époque. Il est l’un de ceux qui « sort » notamment la poésie, notamment en alsacien, de ses formes traditionnelles (Heimatkunst), pour la planter dans le temps présent et l’adresser aux auditeurs et lecteurs de son temps, pour qu’elle leur « parle ».

Von allen Schriftstellern, die das Elsass in der zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts hervorgebracht hat, ist André Weckmann wahrscheinlich gleichzeitig der einzigartigste und einer der vielseitigsten. Ironischerweise ist sein Werk im Elsass nur mäßig bekannt, während es im Ausland zahlreiche Preise gewonnen hat. Ein einzigartiger Schriftsteller, weil er sein Werk auf Elsässisch, Deutsch und Französisch verfasst hat, einzigartig, weil er sich nicht auf ein literarisches Genre beschränkt hat, sondern mit Gedichten, Erzählungen, Romanen, dramaturgischen Formen und dem Hörspiel, Essays, Zeitungsartikeln usw. experimentiert hat, und obwohl das Elsass, die elsässische Sprache und die Elsässer oft im Mittelpunkt seiner Schriften stehen, bilden sie keineswegs Grenzen. Es ist sein Mitmensch in all seiner Vielfalt, der im Mittelpunkt seiner Schriften steht. Weckmann schreibt über das Leben als engagierter Mensch: die Liebe, die Revolten, die Ablehnung aller illegitimen Herrschaften, aller Erniedrigungen und Kränkungen.

Et la guerre ? N’en dit-il rien ? Incorporé de force en 1943, blessé, il obtient une permission pour convalescence en 1944 et déserte. Ces longs mois le marquent à jamais et imprègnent très largement son œuvre, nourrissent sa réflexion sur l’action de chaque individu et l’amènent à critiquer assez sévèrement les sociétés qui ferment les yeux sur les non-choix idéologiques de ses membres. Un grand écrivain bien mal connu ! »

Dominique Huck, 16 mai 2024


En cette année anniversaire, différents évènements sont programmés autour d’André Weckmann (informations pratiques définitives en cours d’ajout) :

Mais aussi (articles correspondants en cours de préparation) :

– Trait d’union de Weyersheim, 7 février 2025

Partenaires



Devinette : quel rapport entre Schang, le légendaire anti-héros alsacien, une centrale nucléaire, la guerre en Ukraine, Don quichotte et un Bananasplit ?

Réponse : y’en a pas…sauf à rencontrer André Weckmann.

André Weckmann est et restera l’homme de la rencontre. Rencontre, autour et au cœur de ses textes, avec l’auteur drôle, bon, généreux jusque dans son exigence, envers lui-même, envers les autres. Rencontre avec le Mensch engagé et témoin jusqu’au bout, car il n’est pas de ceux qui dissocient la vie et l’œuvre.

Schang, ce fut la première rencontre, sous la direction de Joseph Schmittbiel, rencontre avec l’humour, l’intransigeance, la sensibilité, la précision d’une poésie qui fait mouche, quand elle pointe les incohérences des humains, ja d’normàl Heimet vum Mensch isch de Goulag… Poésie qui devient « heure d’alsacien » quand la grammaire « triphonique » se fait tendre en ses pour-parlers d’amour entre les langues, où la Muedersproch a la place « de choix »

unsereiner het drej sproche
eini fer des
eini fer zall
un eini fer nix
welli isch welli un welli ischs nit
war nix nit besser àls des un zall ?

Nos trois langues. Deux se disent utiles. La troisième ne sert à rien. Mais l’utile l’est-il vraiment ? Et ce rien, ne renferme-t-il pas le tout ? Nos trois langues et le choix ?

Zwei Sprachen wie zwei gereichte Hände. Wer sie beide ergreift, reisst alte Zäune nieder, erfasst die Zukunft. Dies sagt euch die dritte Strache, die Sproch fer nix. Sie weiss es denn in ihr klopft das Herz.

Comment mieux dire, qu’en ces passages, qu’elles ne sauraient se passer les unes des autres ?

Don quichotte, elsässisch bien sûr, dem die Sonne, zum Schild würde und das Münster zur Lanze. Avec le soleil comme bouclier et la Cathédrale comme lance. Ce fut la deuxième rencontre en compagnonnage, entre six comédiens amateurs et un musicien, Jean-Pierre Albrecht. Bonheur de se laisser porter par les envols lyriques, d’une langue à l’autre sans avoir à faire de « choix » ! avec comme récompense parmi le public d’un soir, les sourires radieux d’André et d’Andrée son épouse, Lonis draeme…

Die Fahrt nach Wyhl
Me voilà en route pour Wyhl – sur mon vieux vélo – heureusement, un modèle à trois vitesses – et le garde-boue qui claque lamentablement – j’ai laissé la pompe et le kit de réparation à la maison – pourvu qu’ils n’aient pas semé de clous …
Marckolsheim en Alsace, rive française du Rhin : c’est là que des mouvements citoyens alsaco-badois ont empêché la construction d’une usine de plomb allemande – autorisée par le pouvoir politique français. Wyhl, Kaiserstuhl, rive allemande de l’ouest … dès 1973 des initiatives alsaco-badoises luttent contre la construction d’une centrale nucléaire … la route pour Wyhl est longue, à vélo, tout le temps pour notre « héros » de se débattre avec les questions constructives… Weckmann en est, bien-sûr, et le raconte avec humour et sans se voiler la face.

Les nuits de Fastov, ce fut la rencontre qu’on aurait préféré éviter, avec le totalitarisme et la guerre. Pourtant, dans ce Erleben, ce vécu avec la menace permanente de la désintégration, face à face avec la mort, André Weckmann répond présent, sans hésiter, empruntant au français une langue au fil du rasoir. Que dirait Weckmann aujourd’hui en ces moments où l’ombre de l’Untier, la bête immonde, plane à l’est comme à l’ouest ?
Sans doute qu’il faut continuer, « ne rien lâcher » comme disent les jeunes, ùn sej’s fir d’Kàtz.

Banasplit, c’est la rencontre avec les jeunes, en compagnie de avec Stupsi, son Alsacienne à dreadlocks qui fait tomber les murs, et même « Le Mur ». Nous avions monté le spectacle dans le cadre d’un projet scolaire avec les élèves des collèges Fustel de Coulanges et Saint-Etienne à Strasbourg. André fut présent dès le début. Rencontre personnelle, à l’écoute lors des échanges avec les jeunes, sur l’écriture, l’histoire, la guerre, la langue, et présence textuelle, avec sa pièce, que les élèves ont jouée devant lui en mai et juin 2012. Les collégiens, le seul public pour lequel il se déplaçait encore. Lors de la dernière le 16 juin, quelques jours à peine avant son départ pour le grand voyage, il était là, le visage rayonnant, face à aux quatres interprètes du rôle de Stupsi, sa fantasque héroïne.

Il nous laisse un sacré défi à relever « à mains nues ».

bluddi hand
wàs kànni demet
ânfànge
ech kànn e strüss
bende
ech kànn en àpfel
brache

bluddi hand
wàs kànni demet
ânfànge
ech kànn e gsecht
datschle

ech kànn e bruscht
sträichle

bluddi hand
wàs kanni demet
ânfànge
ech kànn se uf d füscht
läije
ferdàss se wàrm wurd
un s masser keje lost

bluddi hand
wàs kànni demet
ânfànge

àlles

Des mains nues : à quoi peuvent elles me servir ? À nouer un bouquet, à cueillir une pomme, à tapoter une joue, à caresser un sein, à les poser sur un poing fermé pour que leur chaleur le desserre et qu’il laisse tomber le coutelas. Des mains nues : à quoi peuvent elles me servir ? À tout.